Comment inscrire une recherche (action) participative respectueuse des principes FAIR ?
Aperçu des sections
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La recherche participative, par son caractère inclusif, vise à intégrer une variété d'acteurs dans le processus de production du savoir. Toutefois, cette ouverture soulève des questions cruciales, notamment en ce qui concerne la gestion des données et la production de connaissances solides scientifiquement.
Lorsque des individus, qui ne sont pas forcément issus du monde de la recherche, contribuent activement à la co-construction des connaissances, comment s'assurer de l'intégrité, de la validité et de la gestion efficace des informations produites ?Dans cette seconde partie, nous plongerons au cœur des questionnements à adopter lors de recherches participatives, en mettant l'accent sur trois dimensions. Nous examinerons la pertinence des échelles de participation lorsque des acteurs non-chercheurs sont impliqués dans la recherche. Puis nous nous pencherons sur la nécessité de connaitre les principes FAIR (et CARE) quand le projet s’inscrit dans une démarche de science ouverte. Enfin, nous nous pencherons sur l’élaboration d’un plan de gestion des données, un outil qui permet dans ce cadre de préciser pendant et après le projet, la manière dont sont gérées les données.
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2.1. Engagement des acteurs : l'importance d'une échelle de participation
La question centrale de cette section est de savoir si l'adoption d'une échelle de participation est cruciale pour impliquer efficacement différents acteurs dans un projet. Pour aborder cette interrogation, il est essentiel de comprendre l'histoire et l'évolution des échelles de participation.
En 1969, Sherry Arnstein a jeté les bases de cette réflexion en proposant une échelle dédiée à la participation citoyenne dans les projets d'intérêt général. Cette initiative a été revitalisée et adaptée en 2008 par l'Association Internationale pour la Participation Publique, ou IAP2, qui a développé le "Spectrum of Public Participation". Ce spectre identifie cinq niveaux distincts de participation, chacun ayant des objectifs spécifiques et des engagements clairement définis envers les parties prenantes.
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Ce modèle n'est pas seulement théorique ; il trouve son application concrète, notamment dans le domaine de la recherche (action) participative. Vaughn et Jacquez, en 2020, ont mis en lumière diverses approches de la recherche participative, soulignant l'importance de définir le niveau d'implication des participants à chaque étape du projet. Leurs observations montrent que les chercheurs adoptent une panoplie d'outils et de méthodes pour garantir la pertinence et l'efficacité de leur démarche.
Il est également à noter que les échelles de participation ne sont pas universelles et peuvent être adaptées en fonction de la population cible. Par exemple, l'échelle de Hart, élaborée en 1992, est spécialement conçue pour la participation des enfants et des jeunes.
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ljsljfsllsjLa pertinence d'une telle échelle est renforcée par les récents travaux sur les recherches participatives. Le rapport de 2023 met en exergue le rôle actif et essentiel des participants non-scientifiques. Ils ne sont pas de simples instruments de mesure, mais des contributeurs actifs et centraux au processus. Ainsi, pour assurer une participation significative, Boussara et ses collègues (2007) énumèrent six principes directeurs qui doivent être pris en compte, allant de la pertinence du sujet à l'importance de l'intersubjectivité, en passant par le besoin d'une théorisation rigoureuse.
En somme, la participation des acteurs est un pilier de la recherche participative, et les échelles de participation, qu'elles soient adaptées ou nouvellement créées, peuvent servir de guide précieux pour naviguer dans cet univers complexe et multidimensionnel.
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2.2 Gestion des données : vers une approche FAIR et CARE
La mise en œuvre d'un projet de recherche participative soulève d'importantes interrogations concernant la collecte et la qualité des données. Les principes FAIR, qui signifient : Facile à trouver (F), Accessible (A), Interopérable (I) et Réutilisable (R), établissent une norme pour structurer les ressources numériques, assurant ainsi leur accessibilité, compréhension, échange et réutilisation. Parallèlement, Berkowitch et Delacour (2022) mentionnent que les principes CARE, bien que moins répandus, complètent la démarche FAIR. Approfondissons ces deux cadres de principes pour mieux appréhender leur impact sur la gestion des données en Recherche-Action Participative (RAP).
- Les principes FAIR
Initiés par l'organisation FORCE11, les principes FAIR visent à guider la communauté académique, les bibliothécaires, archivistes et bailleurs de fonds dans la gestion des données. L'ambition est d'améliorer la recherche, l'accès, l'interopérabilité et la réutilisation des données. Pour en savoir plus sur l'application des principes FAIR - Facile à trouver (F), Accessible (A), Interopérable (I) et Réutilisable (R), vous pouvez vous aider de la ressource suivante.
- Les principes CARE
La Global Indigenous Data Alliance (GIDA) a introduit en 2019 les principes CARE, qui signifient "Collectif (C)", "Autorité de contrôle (A)", Responsabilité envers les peuples autochtones, "Responsabilité (R)" et "Éthique de la recherche" (E). Ces derniers stipulent que les données recueillies doivent bénéficier au collectif, être supervisées par les communautés autochtones, préciser les avantages associés et respecter une éthique rigoureuse à chaque étape du cycle de vie des données.
C (Collectif) : ce principe souligne que les données devraient être recueillies, analysées et gérées de manière à refléter les valeurs collectives, les priorités et les besoins des peuples autochtones. Plutôt que de considérer les données uniquement sous l'angle individuel, l'accent est mis sur le bien-être et les droits collectifs.
A (Autorité de contrôle) : il insiste sur le fait que les peuples autochtones devraient avoir l'autorité de contrôle sur la collecte, l'accès et la conservation de leurs données. Cela signifie que les peuples autochtones ont le droit de décider comment leurs données sont utilisées et partagées, renforçant ainsi leur autonomie et leur souveraineté en matière de données.
R (Responsabilité vis-à-vis des personnes autochtones) : ce principe stipule que ceux qui travaillent avec des données autochtones doivent assumer la responsabilité de garantir que ces données sont traitées avec respect et dignité. Cela nécessite une réflexion constante sur les conséquences potentielles de la collecte et de l'utilisation des données sur les communautés autochtones, ainsi que des efforts pour minimiser tout préjudice potentiel.
E (Éthique de la recherche) : le respect des normes éthiques est primordial lors de la manipulation des données autochtones. Cela inclut l'obtention d'un consentement éclairé, la transparence sur les objectifs de la recherche, la garantie que la recherche profite aux communautés autochtones et l'assurance que les données ne sont pas utilisées de manière qui pourrait leur porter préjudice.
En résumé, les principes CARE visent à garantir que les données relatives aux peuples autochtones sont gérées d'une manière qui respecte leurs droits, leurs valeurs et leur autonomie. Ces principes encouragent une approche collaborative et respectueuse de la gestion des données, tout en plaçant les intérêts et le bien-être des peuples autochtones au centre des préoccupations.
Source : Global Indigenous Data Alliance (GIDA). Image sous licence CC BY-NC-ND 4.0
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En conclusion, les principes FAIR et CARE, bien que développés dans des contextes différents, partagent une vision commune : la promotion d'une gestion et d'une utilisation éthique, transparente et efficace des données. Relions-les pour établir une vision complète et ce que cela implique dans de la gestion des données pour un chercheur utilisant une approche participative en science ouverte.
Les principes FAIR visent à garantir que les données soient Facilement trouvables, Accessibles, Interopérables et Réutilisables. Ils se concentrent principalement sur l'amélioration de la qualité et de l'efficacité des données dans un contexte de recherche, en favorisant leur partage et leur réutilisation au sein de la communauté scientifique. Leur objectif est de valoriser la valeur des données en rendant l'information facilement accessible et utilisable par d'autres, tout en respectant des normes éthiques et légales.
D'un autre côté, les principes CARE, axés sur les peuples autochtones, mettent l'accent sur la Collectivité, l'Autorité de contrôle, la Responsabilité et l'Éthique. Ces principes insistent sur le respect des droits, de la souveraineté et des valeurs des peuples autochtones en ce qui concerne leurs données. Ils se concentrent sur la protection et le respect des individus et des communautés dont proviennent les données.
En conclusion, lorsqu'on combine les principes FAIR et CARE, on obtient une approche de gestion des données qui est à la fois efficace et respectueuse de la science ouverte. Ensemble, ils encouragent une utilisation des données qui est transparente, accessible, bénéfique pour la communauté scientifique et, surtout, centrée sur le respect et les droits des personnes et des communautés concernées. Les principes FAIR garantiraient que les données sont utilisées au maximum de leur potentiel, tandis que les principes CARE garantiraient que ce potentiel est exploité de manière éthique et respectueuse.
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2.3 Plan de gestion des données : une nécessité en recherche (action) participative
Dans l'ère contemporaine de la recherche, où la quantité et la variété des données ne cessent de croître, leur gestion efficace est devenue essentielle pour assurer la pérennité, la transparence et la qualité des travaux scientifiques. La gestion de données ne s'arrête pas à la simple organisation logistique ; ce schéma détaillera les nuances entre le stockage, le partage et l'archivage, offrant un guide sur les actions pertinentes à chaque étape.
Cliquez sur les points d'interrogation ci-dessous pour mieux comprendre la différence entre ces 3 étapes et pour connaître les actions à effectuer afin de les mettre en pratique.
Le rapport sur les "Recherches participatives, innovation ouverte et science ouverte" de mars 2023 montre que l’intégration des non-scientifiques dans la recherche exige une préparation rigoureuse pour assurer l'intégrité des données et la qualité des résultats. Les résultats de cette enquête montrent qu’un tiers (30,7%) des répondants ont un PGD (Plan de gestion de données) en place, plus de la moitié (55,2%) ont une approche pour assurer la qualité des données, soit par la formation des participants, soit par la validation croisée avec d'autres participants ou experts.
Ainsi la Recherche-Action Participative (R(A)P), en incluant activement tous les acteurs pertinents, implique une analyse en profondeur de la formulation des questions, de la collecte et de l'analyse des données, ainsi que de la mise en place des recommandations. Le plan de gestion des données (PGD ou Data management Plan – DMP) détaille la manière dont les données sont obtenues, analysées et utilisées. L'animation suivante fournit deux exemples de PGD de projet de recherche participatif.
Pour lancer l'animation, cliquez sur la flèche rose à droite. Pour mieux lire, cliquez sur la double flèche en bas à droite.
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Cette seconde partie permet de comprendre que la recherche participative engage les personnes vers une démarche inclusive et coopérative, favorisant l'implication active de tous les acteurs concernés, qu'ils soient chercheurs ou non. Cette fusion des expertises et des expériences enrichit la production du savoir et renforce la pertinence et l'applicabilité des résultats.
La gestion des données dans ce contexte s'avère toutefois complexe. Les principes FAIR et CARE, bien qu'opérants dans des sphères distinctes, convergent vers une vision unifiée de la gestion des données - une vision qui allie efficacité, transparence et respect. L'adoption conjointe de ces principes peut garantir à la fois l'optimisation de l'exploitation des données et la préservation des droits et de la dignité des personnes ou des communautés impliquées.
Toutefois, la mise en œuvre de ces principes ne se fait pas sans défis. L'intégration de divers acteurs, chacun avec ses préoccupations, ses savoir-faire et ses aspirations, nécessite une démarche délibérée, éthique et respectueuse. Le Plan de Gestion des Données se présente alors comme un outil incontournable pour orchestrer cette symphonie complexe d'interactions, d'échanges et de collaborations.
En ouverture, il est crucial de reconnaître que derrière ces considérations méthodologiques mais aussi techniques se cachent des enjeux éthiques et juridiques majeurs. Les questions de propriété, de consentement, de confidentialité et d'équité sont au cœur des débats. Qui détient le droit sur les données ? Comment protéger l'intégrité et la vie privée des participants ? Quelles sont les implications juridiques des collaborations transfrontalières ?
La recherche participative nous invite à une réflexion profonde sur la nature même de la science, sur le rôle et la responsabilité des chercheurs, et sur la place et les droits des communautés dans le processus de création du savoir. La quête continue pour une science plus ouverte, inclusive et respectueuse s'annonce à la fois stimulante et indispensable pour l'avenir de la recherche.
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