Résumé de section

  • L'usage de l'intelligence artificielle générative est aujourd'hui présent dans beaucoup de secteurs, y compris la recherche scientifique. Michel Fraysse pose la question centrale : "En quoi l'irruption des outils d'intelligence artificielle générative change-t-elle la donne par rapport à la science ouverte ?"

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    • 1. Science ouverte et IA : rappels

      La science ouverte en bref

      Laïsa Ferreira rappelle que la science ouverte est un objectif qui porte sur l'ouverture des données en faveur de l'évolution de la recherche et de l'innovation. C'est une approche philosophique, économique, politique, qui résulte d'une volonté internationale d'institutions comme l'UNESCO.

      Le rapport de l'UNESCO de 2021 sur la science ouverte évoque même un "droit à la science" portant sur les données au sens large : chiffres, lettres, textes, images, sons, toutes formes de production scientifique constituant une source pour la recherche.

      La science ouverte repose sur trois piliers essentiels :


      L'accessibilité

      Rendre les résultats de recherche librement accessibles pour dépasser les barrières économiques traditionnelles.


      La transparence

      Partager les méthodes, données et processus pour permettre la vérification et la reproductibilité.


      La collaboration

      Favoriser les échanges entre chercheurs institutions et disciplines.

      Comme l'explique Laïsa Ferreira, cet objectif de science ouverte est assez récent comme volonté et résulte logiquement de l'open data.

      Cette volonté de science ouverte est assez récente et résulte logiquement de l'open data. L'open data, c'est l'ouverture des données, officiellement définie comme une volonté politique par laquelle un organisme met à la disposition de tous des données numériques dans un objectif de transparence - c'est le mot-clé - ou afin de permettre leur réutilisation à des fins économiques.

      Cette philosophie se traduit par des outils nationaux et institutionnels, comme les archives ouvertes pour les articles (HAL en France) et les entrepôts de données pour les données de recherche. Ces pratiques se sont progressivement imposées dans le paysage académique français et international.

      Au fil du temps, beaucoup de chercheurs ont pris l'habitude de déposer leurs articles en libre accès, comme le montre le graphique ci-dessous du baromètre de la science ouverte.

    • L'IA : un outil désormais incontournable

      L'Article 3 de l'EU Artificial Intelligence Act (AI Act) définit l'IA comme un système automatisé conçu pour fonctionner à différents niveaux d'autonomie, qui déduit à partir des entrées reçues comment générer des sorties (prédictions, contenu, recommandations, décisions).


      Depuis l'arrivée de ChatGPT, les IA génératives se sont rapidement démocratisées et sont désormais utilisées dans de très nombreux domaines, notamment la recherche scientifique.

    • 2. Science ouverte et IA : une convergence apparente

      Rim-Sarah Alouane nous indique qu'IA et science ouverte semblent à priori converger vers un même objectif, celui de démocratiser la production et la diffusion des connaissances.

      L'IA au service de l'accessibilité du savoir

      L'IA révolutionne l'accès aux savoirs de plusieurs manières. Elle permet d'analyser des milliers de données en un temps record, rendant possible des synthèses qui prendraient des mois à réaliser manuellement. Plus encore, elle facilite la vulgarisation scientifique en adaptant automatiquement le niveau de complexité des contenus selon le public visé.

      Réduction du cloisonnement disciplinaire

      L'IA contribue également à réduire le cloisonnement entre disciplines scientifiques. En quelques minutes, un chercheur peut accéder à des données provenant de plusieurs champs disciplinaires, évitant ainsi de perdre un temps précieux dans la recherche d'informations dispersées. Cette capacité d'analyse transversale favorise l'émergence de recherches interdisciplinaires et peut révéler des connexions inattendues entre domaines apparemment éloignés.

      Vulgarisation scientifique pour tous

      L'IA facilite considérablement la vulgarisation du savoir scientifique. Elle permet aux profanes d'accéder à des données scientifiques complexes en les rendant intelligibles et accessibles. Cette capacité de traduction automatique entre jargon scientifique et langage courant démocratise véritablement l'accès aux connaissances, élargissant ainsi le public potentiel de la recherche scientifique.

      Une telle démocratisation du savoir est en phase avec les principes fondateurs de la science ouverte, qui visent, là encore, à rendre le savoir accessible à tous, indépendamment des barrières linguistiques et des prérequis académiques.

    • 3. L'IA dans la recherche aujourd'hui

      Une aide pour les chercheurs

      Selon Rim-Sarah Alouane, l'IA se révèle un outil d'assistance des chercheurs qui les aide dans certaines tâches fastidieuses mais essentielles :

      • Faire de la recherche bibliographique, faciliter la sélection de sources pertinentes, éviter que certaines études soient ignorées
      • Trouver plus facilement des ressources dispersées, difficiles d'accès, provenant de différents champs disciplinaires
      • Accéder à de grandes quantités de données, les analyser plus rapidement
      • Corriger, traduire, synthétiser des articles

      En réduisant cette charge de travail et en accélérant la production scientifique, l'IA libère du temps pour les aspects les plus créatifs, les plus novateurs de la recherche.

    • L'IA nourrie par la science ouverte

      Les données scientifiques en libre accès (articles HAL, datasets publics, etc.) deviennent une "matière première" de qualité pour entraîner les systèmes d'IA.

      1. Les chercheurs déposent leurs travaux en accès ouvert

      2. L'IA s'entraîne sur ces données scientifiques fiables

      3. L'IA devient plus performante pour classer, organiser et synthétiser l'information scientifique

      4. Cette IA améliorée peut ensuite mieux aider la communauté de recherche

      Au final, nous pouvons y voir une "boucle vertueuse" potentielle. Plus il y a de science ouverte de qualité, plus l'IA devient "intelligente" sur les sujets scientifiques, ce qui peut bénéficier à tous les chercheurs.

    • En résumé

      L'IA et la science ouverte poursuivent un objectif commun : démocratiser l'accès aux connaissances en dépassant les barrières linguistiques, disciplinaires et techniques. Cette convergence se traduit par une complémentarité réelle où l'IA aide les chercheurs dans leurs tâches fastidieuses (analyse, traduction, corrections) tandis que la science ouverte fournit à l'IA des données de qualité pour s'améliorer. Cette relation complémentaire permet aux chercheurs de consacrer plus de temps aux aspects créatifs de leur recherche tout en réduisant le cloisonnement entre disciplines. 

      Cependant, cette convergence apparente cache-t-elle des tensions plus profondes ?